Focus sur le forfait-jours
Publié le :
19/12/2022
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Une convention de forfait est un accord formé entre un employeur et un salarié qui vise à rémunérer de manière forfaitaire le temps de travail du salarié défini en heures ou en jours.
Ici nous évoquerons seulement les conventions de forfait en jours, qui sont d’ailleurs les plus fréquentes en pratique. Ce mode d’organisation du temps de travail a connu un véritable essor depuis sa création par la loi du 19 janvier 2000. Selon l’article L.3121-54 du Code du travail, le forfait en jours est annuel. Le nombre de jours travaillés dans l’année est fixé par un accord collectif, sans pour autant pouvoir dépasser en principe un plafond légal fixé à 218 jours (Article L.3121-64 du Code du travail).
Notons que tous les salariés ne peuvent pas être soumis à un forfait jours. En pratique, ce sont souvent les cadres qui sont concernés, mais cela peut aussi concerner tout salarié dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui dispose d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps (Article L. 3121-57 du Code du travail).
La conclusion d’une convention de forfait en jours a pour effet d’écarter l’application des dispositions relatives à la durée légale hebdomadaire de travail (35 heures), à la durée maximale quotidienne (10 heures), et la durée hebdomadaire maximale de travail (quarante-quatre heures).
L’exécution d’une convention de forfait en jours vient donc potentiellement fragiliser l’équilibre nécessaire entre la vie professionnelle et personnelle du salarié concerné.
Face à ce type de convention, l’enjeu est donc le droit fondamental du salarié au repos et à la santé. L’employeur est tenu de vérifier que le salarié au forfait bénéfice du repos minimum quotidien (11 heures par jour), du repos minimum hebdomadaire (35 heures consécutives), du repos les jours fériés dans l’entreprise ainsi qu’aux congés payés. L'employeur qui a recours au forfait-jours doit mettre en oeuvre des mécanismes d'alerte et de correction en cas d'atteinte à ces droits fondamentaux.
La conclusion d’une convention de forfait en jours a aussi un impact sur la rémunération du salarié, puisque la forfaitisation de la rémunération exclut le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de 35 heures.
Il est donc de l’intérêt du cadre de négocier au mieux sa rémunération en essayant d’évaluer au mieux les heures passées à l’exécution de ses fonctions. Les conventions collectives intègrent d'ailleurs souvent aux salaires minimum une majoration en cas de forfait-jours.
Depuis sa création, pour les raisons précitées, la question de la compatibilité du forfait-jours avec le droit des salariés au repos et leur droit à la rémunération majorée pour les heures de travail au-delà de 35 heures a souvent été remise en cause en jurisprudence.
Ces deux droits sont notamment garantis par la Charte sociale européenne. Le Comité européen des droits sociaux, chargé de contrôler le respect de cette Charte, a été saisi par des syndicats français qui dénonçaient l’illégalité des forfaits-jours. Dans plusieurs décisions (notamment en date du 11 décembre 2001, 7 décembre 2004 et 23 juin 2010), le comité a considéré que ce régime autorisait virtuellement une durée du travail « manifestement trop longue pour être qualifiée de raisonnable » au sens de l’article 2.1 de la Charte. De plus, le nombre de salariés susceptible de pratiquer le forfait-jours était trop élevé pour les qualifier de « cas particuliers » au sens de l’article 4.2 relativement au droit à une rémunération majorée pour les heures supplémentaires. De surcroît, au regard du droit de l’Union Européenne, la compatibilité du forfait en jours à l’article 6 de la directive 2003/88/CE, prévoyant que la durée hebdomadaire du travail ne peut excéder 48 heures (heures supplémentaires comprises), est également litigieuse.
En substance, le forfait en jours est controversé en ce qu’il peut engendrer, pour le salarié concerné, un temps de travail excessif et une charge de travail déraisonnable. C’est pourquoi le juge, dans un premier temps, s’est affirmé dans un rôle de régulation de ce mécanisme. Le législateur interviendra plus tardivement pour encadrer les forfaits jours dans la loi du 8 août 2016, celle-ci visant à sécuriser le cadre juridique de ce dispositif pour les employeurs et les salariés.
Aujourd’hui encore, la jurisprudence n’hésite pas à annuler ou à priver d’effet des conventions de forfait en jours portant atteinte au droit au repos et à la santé du salarié, lorsque les conditions de validité du forfait ne sont pas respectées.
L’enjeu est important puisque lorsque le forfait-jours est privé d’effet, la sanction pour l’employeur est l’application de la durée légale du travail avec paiement des heures supplémentaires effectuées par le salarié, lesquelles sont souvent nombreuses pour les cadres. A cela s’ajoute l’indemnisation du préjudice subi pour atteinte au droit à la santé du salarié notamment lorsqu’est caractérisé un épuisement professionnel, communément appelé "burn out".
Historique
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